L’agroforesterie, une solution pour l’agriculture au-delà de la PAC. Par Patrick Worms.

Patrick Worms est Conseiller scientifique au World Agroforestry Centre/Centre international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF). Il est également président de l’EURAF (Fédération européenne d’Agroforesterie/ European Agroforestry Federation).

Dans cet entretien, il explique ce qu’est l’agroforesterie et le formidable potentiel qu’elle représente avec ses systèmes sylvopastoraux et sylvoarables pour transformer les modalités de l’agriculture et de l’élevage dans une Europe trop dépendante d’une PAC qu’il juge inadaptée, voire nocive. De quoi faire réagir alors que la prochaine réforme de la PAC, reportée à 2023, est toujours en cours de négociation.

Guillaume le Blanc : l’hospitalité, une valeur européenne ?

Dans cet entretien réalisé il y a un an, le philosophe Guillaume Le Blanc proposait une courte histoire européenne de la notion d’hospitalité.

Alors que les cendres du camp de Moria ne sont pas encore froides, que la Commission européenne vient de proposer un nouveau pacte pour l’immigration cette semaine et que la présidente de la Commission a appelé à ce que le règlement de Dublin soit aboli, la question est plus que jamais d’actualité pour dessiner les contours de l’hospitalité politique de l’UE.

Transition numérique, où en est l’Europe ? Par Nicolas Colin.

Nicolas Colin, cofondateur de l’entreprise The Family, est un fin connaisseur et un observateur attentif du secteur numérique. Dans cet entretien il évoque l’économie numérique européenne et montre qu’à ce propos les Etats européens se comportent en rentiers, persuadés de leur avancement en termes de développement, alors qu’ils devraient plutôt concevoir la transition numérique en tant que pays en voie de développement et réagir en vertu de cet état d’esprit. Leur retard dans se secteur stratégique est en effet bien réel, et il sera difficile à rattraper.

Voilà de quoi faire réagir et réfléchir en termes de stratégie industrielle alors que la transition numérique figure parmi les priorités européennes actuelles, que ce soit dans le cadre de la proposition de budget pluriannuel que dans celui du plan de relance. Pourtant, les subventions publiques, qu’elles soient nationales ou européennes, risquent de ne pas suffire. Faire sauter les verrous réglementaires aurait par exemple davantage d’impact. Mais changer d’état d’esprit, surtout, et regarder davantage au dehors ce qui se passe semble tout aussi nécessaire.

Bonne écoute ! (Vous trouverez le détail des sujets abordés ainsi que leur timing en commentaire de la vidéo sur YouTube)

Un plan historique, mais pour quoi faire ?

Les 750 milliards d’euros censés aider l’Europe à se remettre de la crise du coronavirus pourraient avoir un profond impact sur le fonctionnement même de l’UE. Mais il faudra pour cela s’assurer que l’UE dispose des moyens adéquats pour transformer l’essai et envisager son avenir au-delà de la crise. Décryptage.

(l’article a été initialement publié le 29 juillet sur VoxEurop en version française. English version available here)

Historique ! Le mot a été repris en boucle par tous les promoteurs de l’accord obtenu par le Conseil européen sur le plan de relance le 21 juillet dernier, annoncé aux premières lueurs de l’aube, tout un symbole. Les contempteurs de l’accord n’ont pas tardé à se faire entendre en faisant savoir qu’il n’en était rien, en recouvrant bien vite tout ce rose brillant d’un noir mat et profond. Tous feignent d’ignorer que les décisions ressortant du Conseil requièrent davantage de nuance et de polychromie.

L’évaluation d’ensemble est un exercice délicat, c’est pourtant celle qui prévaut. Car elle sied mieux à la théâtralité européenne, d’autant plus vive que les spectateurs sont de plus en plus nombreux à regarder l’Europe improviser dans la tourmente. Chacun sait aussi qu’il faudra convaincre les opinions et les 42 parlements régionaux et nationaux de l’UE à 27 qui voteront ce plan. Alors autant marquer les esprits, et va pour historique.

Toutefois, la liste des qualificatifs de cette décision peut être enrichie selon ce qu’on évalue. En voici une liste possible.

Historique, donc

Le mot s’est imposé car de nombreux tabous “historiques” sont bel et bien tombés : 1. Endettement mutuel (vieille lune fédéraliste tenant lieu de cheval de Troie de l’Europe politique pour les tenants de l’Europe-marché) ; 2. Investissements publics massifs (la suspension du pacte de stabilité et de croissance avait annoncé la couleur) ; 3. Europe des transferts (avec des subventions pour l’Italie et l’Espagne en tête, les deux pays les plus touchés par l’épidémie qui étaient déjà malades avant et menaçaient l’équilibre du marché intérieur comme de la zone euro). Ces avancées sont assurément une excellente nouvelle autant qu’une surprise, d’autant que quelques jours seulement avant l’accord certains Etats parmi les “frugaux” (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède, rejoints par la Finlande durant le Conseil) disaient encore ne pas vouloir entendre parler de dette mutualisée.

Proportionnée

La Commission prévoit que l’économie de l’UE devrait se contracter de plus de 7 % en 2020. Avec 750 milliards d’euros, 390 de subventions, et le reste sous forme de prêts, l’Europe répond massivement à la crise. Ce d’autant que 540 milliards d’euros de prêts ont déjà été mobilisés, que la BCE a racheté pour 2 000 milliards d’euros d’obligations, et qu’il faut aussi rajouter les plans nationaux de relance. Certes, la distribution des subventions a été revue à la baisse par rapport à la proposition initiale de 500 milliards, mais à dire vrai beaucoup s’y attendaient et s’accordaient en coulisse sur 400 milliards de fonds nécessaires (390 n’est qu’une concession symbolique). Seront-ils suffisants ? Difficile à dire encore, surtout si une deuxième vague épidémique venait compliquer encore les choses et frapper des Etats ne faisant pas partie des premiers bénéficiaires du plan. Mais un pari, fût-il sur l’avenir, comprend fatalement des risques.

Solidaire

La décision est bien sûr solidaire sur le plan financier puisqu’il y a endettement commun et transferts. Mais elle l’est aussi sur le plan de la gouvernance avec l’abandon du droit de veto sur le contrôle exercé sur les modalités des dépenses au profit d’une majorité qualifiée des Etats, n’en déplaise à Mark Rutte. Restera ensuite à voir si la solidarité exprimée par le plan constituera un précédent. Il ne s’agit pour l’heure que d’un plan circonstanciel, temporaire, qui aura épuisé ses fonds dans 3 ans, même s’il faudra les rembourser jusqu’en 2058. Rien ne permet de garantir à ce stade que le principe se fera pérenne et intégrera de futurs traités.

Allemande

Si les tabous sont tombés un à un, c’est autant à Berlin qu’à Bruxelles que cela est survenu. Jusqu’ici championne incontestée des frugaux, l’Allemagne avait tenu bon sur la rigueur, y compris durant la crise financière de 2008 puis la crise des dettes souveraines. Elle a pourtant fini par changer d’avis en l’espace de quelques semaines. Or sans elle, rien n’était possible. Le changement de cap est survenu sous la direction éclairée d’une chancelière arrivée à l’âge de songer à sa postérité, en état de grâce politique alors qu’elle est appuyée par un confortable consensus, et surtout soutenue par le patronat allemand qui s’inquiète de l’effet domino. Elle a saisi la gravité du moment, et pressenti aussi que la population la suivrait, à moins d’ailleurs que celle-ci ne l’ait précédée. La crise obligeait d’accéder enfin aux requêtes françaises longtemps restées sans réponse. Si La France proposait, il fallait attendre que l’Allemagne soit disposée à disposer. Le couple franco-allemand a ainsi une fois de plus montré sa force motrice, d’autant plus forte que la Commission a fait front avec lui.

Post-Brexit 

Un autre pays a joué dans cette affaire, mais par son absence. La décision du Conseil est aussi la première décision majeure opérée à 27, sans le Royaume-Uni, l’empêcheur européen numéro un de mutualiser en rond. Les Pays-Bas ont beau avoir voulu reprendre le rôle, ils n’ont pas la même étoffe, et leur alliance frugale de circonstance n’a pas pu atteindre la masse critique suffisante pour faire pencher la balance de leur côté.

Intergouvernementale

En dépit de ce que prévoient les traités, le Conseil européen est plus que jamais l’endroit où se décide le futur de l’Europe au sommet des exécutifs. C’est la crise financière qui avait révélé ce biais institutionnel européen, que confirme le plan de relance alors que le Parlement reste sur la touche. Ce dernier demandait pourtant dans une résolution de mai 2020 un montant de 2 000 milliards pour un tel plan, il en sera pour ses frais… Reste à espérer que la Commission, à qui sera confiée la tâche de  contrôler et d’orienter le plan selon des conditions qui restent encore d’ailleurs largement  à être consolidées, trouvera le moyen d’assurer que les intérêts et les valeurs de l’Union prévalent sur les seuls intérêts nationaux. C’est essentiel. Mais rien n’est acquis. Le Parlement le sait, et le dit.

De trop courte vue

C’est l’inquiétude légitime qui ressort de la résolution que le Parlement européen vient de prendre consécutivement à l’accord. Elle exprime la colère des députés européennes de voir le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 se limiter à 1 074 milliards, soit peu ou prou le montant de la dernière proposition de la Commission. La proposition du Conseil est jugée largement insuffisante pour relever les défis européens d’autant que des coupes sévères ont été faites dans les politiques communautaires jugées d’avenir. Pour ne citer qu’elles, on trouve parmi les politiques affectées celles relatives à la santé, à la recherche, ou encore à la défense, ce qui interroge avec une Commission autoproclamée géopolitique qui caresse des espoirs de voir l’Europe se faire puissance. La pilule est amère à avaler comme le dit Ursula von der Leyen elle-même. La bataille interinstitutionnelle autour du CFP n’en est sans doute qu’à ses débuts, et gageons que le Parlement s’emploiera à obtenir des crédits supplémentaires et l’engagement d’une révision à mi-parcours, comme pour le précédent budget.

Pour la relance ou le rétablissement ?

On peut légitimement se demander si la stratégie qui consistait à lier dans la négociation le plan et le CFP était la meilleure. Cela garantissait certes d’arriver à une décision rapide dans un seul et même paquet, mais le risque était grand que cela ne se solde par un compromis peu ambitieux pour le CFP au regard des enjeux, suite à des jeux délétères de vases communicants entre les deux budgets. Il semblait en effet assez fatal que les Etats n’en viennent à miser le plus gros sur le plan, qui est à leur mesure intergouvernementale, quitte à passer par l’endettement commun pourvu que les dépenses soient nationales et s’effectuent dans une relative absence de contraintes. C’était la meilleure garantie à leurs yeux d’un rétablissement rapide de leur santé économique perdue, leur « recovery » en anglais. Mais ceci, s’est donc fait au détriment du CFP, alors que c’est pourtant lui l’instrument dont la fonction est de dessiner l’avenir de l’UE, en assurant élaboration et contrôle commun des politiques et des investissements des 27, dans une perspective de moyen terme, sur sept ans. C’est bien lui, qui est le plus à même de dégager un cadre pour la « relance » (le titre du plan en français). Les traductions sont toujours ardues  en Europe, elles sont aussi significatives, et la version anglaise et française de ce plan n’ont pas fini d’entretenir le doute entre “recovery” et “relance”, dont les sens sont prétendument identiques. Le sont-ils ? 

Ainsi, quelles sont les garanties que ce contrat à durée déterminée fraîchement signé entre les 27 ne profite vraiment à tous, se demandent les députés européens ? Comment être sûr que les Etats feront preuve de la vertu et de la compétence suffisantes pour résoudre leurs problèmes nationaux grâce aux subventions et aux prêts consentis en parvenant à anticiper les effets durables de leurs investissements pour les autres Européens, même si tout se fait sous le contrôle vigilant (et nécessaire) de la Commission en vertu de prétendues conditionnalités ? Comment donc assurer aux « prochaines générations », pour faire écho au nom officiel du plan baptisé “Next Generation EU”, que la relance sera tournée vers le futur et sera conforme aux priorités de l’Union, verte et numérique ?

Ces questions exigent en effet d’être posées. Et ce petit panorama des qualificatifs à associer aux décisions prises à ce Conseil extraordinaire permet donc de comprendre que si certains aspects de l’accord sont très encourageants, d’autres laissent plus perplexes.

Il faut lever les ambiguïtés, car c’est la portée historique à long terme de l’accord sur lequel vient de s’entendre le Conseil qui en dépend. Pour cela, il faudra considérer les trois questions suivantes, questions anciennes, auxquelles l’accord nous impose plus que jamais de répondre :

Comment continuer avec l’unanimité ?

Comment se satisfaire d’un mode de gouvernance hérité du passé faisant de l’unanimité une règle prégnante quand les décisions procèdent d’une solidarité et d’une interdépendance croissantes ? Où est la cohérence entre le fait de prendre des risques partagés et celui de laisser la possibilité à un seul pays de bloquer tous les autres ? L’unanimité n’est pas compatible avec la mutualisation des risques et des ressources. La conférence sur l’avenir de l’Europe devrait être a minima l’occasion de repenser la plomberie institutionnelle en proposant une réforme du système de vote au Conseil imposant le recours systématique à la majorité qualifiée.

Comment continuer sans ressources propres ?

Comment ouvrir la porte à une politique budgétaire européenne avec endettement mutuel sans pousser plus avant la logique en dotant l’UE de ressources propres pour abonder son budget au moyen d’une fiscalité européenne ad hoc ? L’accord les prévoit, il faut s’en féliciter, mais la taxe plastique ne sera pas suffisante, elle devrait tout juste couvrir le montant des nouveaux rabais concédés aux Etats. Le jeu est à somme nulle. Il faudra plus d’ambition là aussi, et s’engager sur un calendrier contraignant pour envisager de nouvelles taxes permettant de réduire significativement les contributions nationales et la logique fatale du juste retour qui y est associée. Si une politique budgétaire expansionniste aura besoin du soutien renforcé de la BCE pour monétiser les déficits publics et garder les Etats solvables au risque de possibles bulles notamment immobilières, ces déficits risquent de toute façon de s’alourdir. Le recours aux ressources propres permettrait de les alléger et de confirmer par la fiscalité européenne les priorités politiques de la relance européenne.

Comment continuer sans se demander comment dépenser avant d’emprunter ensemble ?

L’économiste Tito Boeri faisait remarquer dans un récent article que pour que l’Italie ne rate pas l’opportunité formidable que représente pour elle le plan de relance dont elle sera la première bénéficiaire avec 209 milliards d’euros, elle doit d’abord se demander comment dépenser avant de demander de l’argent. Il ajoutait que l’Italie avait hélas été la dernière à publier son plan national de réforme, un plan jugé “verbeux” qui n’a pas même encore été communiqué à Bruxelles… Le même flottement s’applique à l’UE dans son ensemble quand on voit la difficulté qu’elle a à prévoir et mettre en œuvre des projets industriels transnationaux concertés et concrets au-delà de la définition des montants des enveloppes supposés y être consacrées.

La relance dépendra pourtant de cette capacité à faire des projets d’avenir ensemble, seule façon d’engager durablement l’Europe sur le chemin de la transition écologique et numérique. Une récente note politique de l’OFCE posait également cette question du “comment dépenser” l’argent d’un plan de relance post-COVID, et avançait des pistes pour un programme d’investissement articulé autour de trois axes majeurs : santé publique, infrastructures de transport, et énergie décarbonée. Voilà des pistes. Il faut les multiplier, les idées comme les projets concrets manquent.

C’est sur la base des réponses à ces trois questions que l’accord entré dans l’histoire sur lequel se sont entendus les 27 contribuera à la changer. Il faut consolider l’intégration et les mécanismes d’action commune en appuyant sur les leviers de la gouvernance, de la fiscalité, et des stratégies et projets industriels transnationaux. En somme, l’accord doit ouvrir à des “réalisations concrètes”, pour reprendre un vocabulaire schumanien, et s’en donner les moyens pour produire des résultats tangibles et rapides que les Européens puissent constater au plus vite. C’est ainsi que notre Union sera en mesure de se préparer à l’avenir en pensant aux générations futures, comme cet accord nous y invite.

Comment raconter l’Europe ? Par Jean Quatremer.

Jean Quatremer est journaliste au quotidien Libération, spécialiste des affaires européennes, depuis maintenant 30 ans.

Cosmocène a voulu l’interroger sur son métier, et les évolutions qu’il a pu connaître, pour mieux comprendre comment donner à voir ce qui est à voir en Europe, comment parvenir à faire le lien entre Bruxelles et capitale pour « traduire » l’UE. Comment donc parvenir à intéresser à son propos, au premier chef les rédactions qui trop souvent se convainquent que l’Europe est trop complexe et distante pour intéresser les Européens : « l’Europe, c’est chiant ».

Une antienne aux effets délétères, car l’Europe n’est pas couverte à la hauteur de son importance. Comment donc (mieux) raconter l’Europe ?

Comprendre le Parlement européen avec Olivier Costa.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Parlement européen sans jamais oser le demander ! Olivier Costa est un spécialiste du sujet, il est directeur de recherche au CNRS à Sciences Po Bordeaux, et Directeur des études politiques au Collège d’Europe à Bruges. Dans cet entretien il revient sur les pouvoirs croissants du Parlement européen, son fonctionnement , les groupes politiques qui le composent, la question des majorités qui se dégagent, et il ouvre quelques pistes sur ce qu’il faudrait faire pour que les médias s’y intéressent davantage. De quoi y voir plus clair !

Le défi de l’économie circulaire en Europe, par Jocelyn Blériot.

Jocelyn Blériot est le Directeur des affaires publiques de la Fondation Ellen MacArthur, et est à ce titre il est l’interlocuteur privilégié entre la fondation et les autorités publiques, notamment les institutions européennes. La fondation se donne pour mission d’accélérer la transition vers l’économie circulaire. L’entretien revient sur cette notion importante, en permettant de mieux en définir les principes qui inspirent le Green Deal promu par la Commission européenne.

Comment promouvoir une véritable transition vers de nouveaux modes de production et de consommation en vertu des principes circulaires, un changement qui par nature doit-être systémique ? Comment éviter le « green washing » ? Comment s’assurer le concours des acteurs industriels ? Comment prétendre assurer une « croissance durable », notion qui peut apparaître largement oxymorique ? La notion même de croissance ne doit-elle pas être interrogée ? Faut-il pour l’Europe maintenir les accords commerciaux ? Autant de questions qui sont abordées et qui trouvent ici des éléments de réponses, que Cosmocène soumet à votre réflexion.

Penser l’Europe sur le long terme, par Kalypso Nicolaïdis.

Kalypso Nicolaidis est professeure de relations internationales à l’Université d’Oxford. Elle a été, de 2008 à 2010, la seule universitaire à être membre du groupe de réflexion sur le futur de l’Europe composé de « douze sages » européens présidé par l’ancien Premier ministre espagnol, Felipe González.

Dans ce dialogue elle se penche sur la réponse que l’Europe a apportée à la crise de la COVID-19 et ses suites. L’important à ses yeux réside certes dans le rôle que l’Europe peut et doit jouer dans les crises en organisant la résilience du système, et ce fut le cas cette fois encore, mais au delà, et sans doute plus encore, l’UE doit s’interroger sur sa mission et la redéfinir dans une perspective à long terme à la faveur des difficultés.

Ainsi, penser le futur de l’Europe exige de porter son regard au loin, dans le temps davantage que dans l’espace, mais aussi de laisser derrière soi la vision verticale de l’Europe en incluant davantage les citoyens au processus d’intégration, car ils doivent être au coeur du projet démocratique européen.

Pour un soutien européen au secteur des médias, par Ricardo Gutiérrez.

Cosmocène continue de s’intéresser aux médias. Leur santé économique et leur liberté sont une garantie pour nos démocraties.
Ricardo Gutiérrez est le secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ). Il nous explique dans cet entretien que la crise consécutive à l’épidémie de la COVID-19 a des effets économiques et sociaux désastreux pour le secteur en Europe, et qu’un plan de relance européen, au delà des initiatives nationales, est nécessaire. Il évoque enfin la question de la situation politique des médias dans certains pays de l’UE où, à la faveur de l’épidémie, médias et journalistes à titre individuel ont vu leurs conditions de travail se dégrader et la pression gouvernementale exercée sur eux s’aggraver, mettant à risque leur indépendance.

Prêtre Jean, Prêtre Trump. Par Jean-Louis Vullierme.

Le sens des invasions sur le Continent eurasiatique n’a été Ouest-Est qu’en de rares occasions : les conquêtes d’Alexandre, complétées jusqu’au Penjab par ses successeurs, puis les conquêtes européennes de l’Asie à partir des Grandes Découvertes jusqu’à la Décolonisation.

Le sens général des invasions y est Est-Ouest. Il se manifeste depuis l’Antiquité, les Grecs ayant vécu sous la menace iranienne, et Rome sous celle de l’Asie Centrale (les Huns) puis de l’Altaï ( les turco-mongols) . Les Croisades, en effet, ne se firent pas tant contre des « Arabes » que contre des Turcs Seldjoukides venus de la mer d’Aral. Quand les Mongols sont arrivés jusqu’aux frontières de l’Égypte dans l’intention initiale d’assister les Francs contre l’islam , les Croisés s’étaient mis à craindre un allié plus puissant que leur ennemi du jour. Ogedei, averti par ses généraux de leurs traîtrises, renonça ainsi à devenir chrétien pour convertir l’empire mongol à l’Islam.

Comme le christianisme avait pénétré en Asie depuis l’Antiquité, et pas uniquement par les nestoriens, on se prit à espérer qu’un royaume chrétien viendrait au secours de l’Europe. Ce fut la légende du Prêtre Jean ( =Khan?), celui-la même qui aurait enfermé Gog Et Magog, peut-être derrière la muraille de Chine.

Jean ne vint jamais, et quand les Européens achevèrent leur conquête de l’Asie au XIXe, il furent terrorisés par la force immense qu’ils venaient d’asservir. Ce fut l’origine du « Péril Jaune ».

Les Européens, qui aiment à tronquer l’histoire, n’acceptèrent pas le fait que l’empire du Milieu n’a guère été expansionniste. Le Tibet était devenu un protectorat parce que l’empire tibétain, d’une violence oubliée, dévastait périodiquement les Tang, puis l’est redevenu à titre de glacis hérité du Grand Jeu.

Le Prêtre Trump, dont toute l’existence politique dépend des Évangélistes, s’inquiète de ce que la Chine se comporte comme les États-Unis le font sous son égide. Il s’indigne de violations patentes des droits qui ne l’inquiètent cependant ni en Arabie saoudite ni en Corée du nord.

Il cherche à embarquer les Européens dans cette nouvelle croisade. Mais comment un nationaliste impénitent peut-il convaincre que l’atlantisme a de nouveau des vertus, ou qu’il est préférable d’être espionné par les États-Unis que par la Chine?

La leçon à tirer n’est-elle pas plutôt que l’Europe doit s’unifier ?